mardi 4 juin 2013

Ces pères divorcés, impuissants devant les sectes ...

Le Nouvel Obs, No1861, semaine du 06 juillet 2000, par Hubert Prolongeau

2 EXEMPLES AUTOUR DU GROUPE SRI RAM CHANDRA MISSION (SRCM):


1- Les parents sont divorcés et la mère, membre d'une secte, a la garde des enfants. Face à ce cas de figure assez fréquent, la justice hésite entre la nécessité de protéger l'enfant et celle de sauvegarder la liberté de croyance. 

"Au début, cela ne m'a pas inquiété. Ils venaient méditer à la maison en groupe. Les enfants n'étaient pas touchés. J'ai même essayé, mais ce n'était pas mon truc. Je les traitais avec une certaine ironie." Michel Gilbert partage alors depuis dix ans l'existence de Françoise, dentiste, avec qui il a eu deux enfants, âgés respectivement de 5 ans et 2 ans et demi.
Le couple connaît des difficultés financières. Michel n'a plus de travail et décide de devenir père au foyer. De plus en plus, sa compagne se livre à la méditation et fréquente un groupe appelé Shri Ram Chandra Mission, dont le siège est à Madras, en Inde. Ses membres s'adonnent à la méditation sahaj marg, inspiré du rajah yoga, suivant l'enseignement d'un maître nommé Shri Ram Chadraji Maharaj, dit Babuji. 
Ce dernier demande une dévotion absolue à ses adeptes et veut "éduquer les masses et propager parmi elles l'art et la science du yoga".
Pendant sept mois, Michel voit grandir cette influence. En décembre 1998, le rapport Vivien classe Shri Ram Chandra parmi les sectes. 2000 personnes en seraient membres. Le père s'inquiète. En janvier 1999, le groupe lui fait sentir qu'il est indésirable. Fin février, Françoise parle de séparation, fait chambre à part. Il se rend compte qu'elle prépare un voyage en Inde pour l'anniversaire du maître, puis qu'elle a une liaison avec un autre adepte. Le 29 juin, Michel est hospitalisé pour un ulcère. Elle emmène les enfants en Espagne. Le 15 août, Michel Gilbert attaque la secte pour enlèvement d'enfants. Le 21 décembre, une ordonnance confie pourtant la garde exclusive des enfants à la mère. Depuis, il a pu obtenir de les voir dans un point-rencontre. Il n'a aucune information sur leur adresse, leur école. "Quand je les vois, mon fils est comme éteint. J'ai essayé d'entrer en contact avec la secte en Inde : je n'ai eu aucun écho".

Michel Gilbert.
Témoignage aussi disponible en vidéo - Emission "CIEL MON MARDI" de Dechavanne (TF1 2001).




2- L'histoire de Bernard P. est presque identique. Après son divorce, il note chez ses deux garçons de 8 et 9  ans un comportement étrange, une volonté de dissimulation qu'ils n'avaient pas avant. Ils lui avouent alors que leur mère fréquente Shri Ram Chandra, racontent qu'un portrait du gourou trône à la maison. Inquiet, le père se renseigne. Les enfants lui annoncent plus tard qu'ils doivent participer à un séminaire du groupe au château d'Augerans, près de Dole, en août 1999. 
Bernard P. saisit alors le juge aux affaires familiales pour obtenir la garde de ses enfants ou, du moins, interdire à la mère qu'ils soient emmenés dans la secte. Le juge accordera l'interdiction de sortie du territoire, mais estimera qu'il n'y a pas urgence à modifier le droit de garde.




"L'arsenal juridique est suffisant", affirme pourtant Philippe Lefant, avocat au barreau de Chambéry, spécialisé dans ce type d'affaires.
Si l'enfant est en danger, c'est-à-dire en contact permanent avec la secte, il est possible de demander la déchéance d'autorité parentale du conjoint fautif devant le tribunal de grande instance. Sinon, on peut demander que l'enfant dont l'adepte a la garde ne soit pas mêlé à ses affaires religieuses. On peut aussi obtenir la saisine du juge aux affaires familiales pour réorienter son éducation. Mais c'est une décision peu satisfaisante car extrêmement difficile à contrôler : on ne peut guère le faire que par huissier, et cela n'a de valeur que si la personne visée n'est pas prévenue. Sinon, il est facile de tout dissimuler. Presque systématiquement, je demande l'interdiction de sortie du territoire pour les enfants quand la secte a un siège social à l'étranger. Et je l'obtiens régulièrement.
Le problème réside plus dans l'attitude des juges. "Les actions de ce type se heurtent au principe fondamental de la liberté de croyance", poursuit Philippe Lefant. "Il me faut souvent faire preuve d'une modération que mes clients ne comprennent pas, pour ne mettre en avant que le bien de l'enfant et non l'aspect idéologique du problème." 
La justice ne peut intervenir que si la santé, la sécurité, la moralité ou les conditions d'éducation de l'enfant sont compromises, rappelle le Président du tribunal pour enfants de Versailles.
Ce qui laisse place à bien des incohérences. Ainsi, en 1993, un père divorcé avait obtenu le retrait de la garde de ses enfants à la mère parce qu'elle fréquentait les Témoins de Jéhovah. «La pratique d'une secte
particulièrement prégnante ne peut qu'avoir un retentissement sur le comportement d'enfants jeunes et contrarier leur libre arbitre, avait estimé le tribunal. En revanche, la même année, Aimé Lafarge, dans la même situation, était débouté par le tribunal de Narbonne au motif que cela «reviendrait à permettre que des particuliers agissant isolément qualifient de secte tout groupe minoritaire au sein d'une religion ou d'une philosophie. Cela conduirait au totalitarisme en menaçant la liberté de conscience d'une minorité."

1 commentaire:

  1. Il est devenu quoi ce Michel Gilbert ? J'espère que ces enfants vont bien.

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